
‘’Vous êtes sûrs qu'il faut sortir de chez soi pour courir ?’’
Passer la porte, risquer de croiser quelqu'un...
Revêtue de mon "costume" de sport👟, je me suis donc dirigée vers la porte de sortie... Je n’allais tout de même pas me limiter à faire le tour de mon canapé ! La tentation était grande pourtant car c’est une chose de s’observer en tenue de sport dans le miroir de l’entrée, c’en est une autre de franchir le pas de la porte, de risquer de croiser des voisins et de devoir répondre à leurs questions ou remarques.
« Ah tu vas courir ? Tu cours souvent ? Tu cours combien de temps ? À quelle vitesse ? »
« Euh😰…en fait je vais alterner 30 secondes de course et 30 secondes de marche pendant 10 minutes, c’est mon programme du jour 1. » Ça se dit pas ça, c’est ridicule non ? Un programme pour personnes âgées alors que j’ai 40 ans !…
Affonter le regard des autres et surtout le mien !
Une phrase me trotte dans la tête :
''Je suis vraiment nulle et tout le monde va le voir !''
Je suis tout de même sortie, un premier effort important qui m’a coûté beaucoup d'énergie. Je suis partie en baissant la tête, certaine qu’on allait rire en me voyant😖…
Et j’ai croisé d’autres joggeurs et joggeuses, des vrais 🏃 🏃🏃 🏃, ceux qui, tels les motards sur l’autoroute, se saluent en se croisant, marquant ainsi une connivence, un signe d’appartenance à une même communauté. Il était évident pour moi que je n’étais pas à ma place, que je n’aurais jamais droit à un bonjour ou un signe de la main de leur part.
« Je ne suis pas des leurs, je ne suis pas comme eux, ce n’est pas pour moi, j’ai toujours été nulle en sport».
Et puis si ! Cet athlète en tenue stylée, à la foulée aérienne, la montre connectée au poignet, vous voyez ? Eh bien lui, oui lui!, il m’a décroché un discret signe de la tête ! « Mouais, il a sûrement pitié, c’est la seule explication envisageable pour moi... »
En affrontant le regard des autres, c'est moi que j'ai dû regarder autrement
Bah oui, les joggeurs et joggeuses, le voisin qui va chercher son pain, se moquent royalement de mon activité ! Il y a peu de chance/risque qu'ils soient en train de me juger, ils ont autre chose à faire ! J'ai compris que ce n'était pas leur regard qui était important mais que c'était moi qui avais à changer de regard sur moi-même.
Je retrouve ici les personnes qui me disent :
"Cette formation peut rester confidentielle?"
"J'ai décidé de me former en orthographe mais je ne veux pas que ça se sache."
Je respecte vraiment cela et je constate qu'au fil des séances, quelque chose lâche et que souvent la personne se met d'elle-même à parler de sa formation. Je repense en particulier à un homme d'une quarantaine d'années qui cachait la formation à ses collègues et même à sa famille. Au bout de 2 mois, il a décidé de l'annoncer à sa maman, comme un coming-out en quelque sorte ! Je crois que ça l'a libéré d'une image qu'il portait depuis longtemps, celle du "nul en orthographe de la famille, de l'inculte".
Ces histoires sont très touchantes. Oui, décidément, l'orthographe touche à l'intime. C'est une des raisons qui font que j'aime ce métier !
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